Accessibilité

RGAA : Faites de l'obligation légale une vraie stratégie d'inclusion

A travers cet article, j'aimerai vous expliquer comment une organisme public peut transformer une obligation technique en un message politique et éthique fort. Vos services publics se numérisent à grande vitesse et portent la promesse d'une administration plus efficace et plus simple. Mais cette promesse est-elle tenue pour tous vos administrés ? L'accessibilité numérique, loin d'être l'apanage d'une minorité, est en réalité essentielle pour certains et utile pour tous. Le respect des normes d'accessibilité constitue une véritable promesse démocratique et un droit fondamental, assurant l'égalité d'accès à l'information et aux services publics pour l'intégralité de la population
Un service public numérique réellement accessible améliore l'expérience pour un public beaucoup plus large : les seniors, les personnes en situation de stress ou d'urgence administrative, ou tout citoyen confronté à une difficulté temporaire. Rendre vos services accessibles, c'est donc renforcer le contrat social et envoyer un message clair : personne n'est laissé au bord de la route numérique. Cet article a pour objectif de vous fournir un guide pratique pour transformer le Référentiel Général d'Amélioration de l'Accessibilité (RGAA) d'une contrainte légale en un puissant message politique d'inclusion.
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1. Au-delà du handicap : Pourquoi l'accessibilité est un puissant levier politique

L'accessibilité numérique ne doit pas être vue comme une simple case à cocher pour la conformité. C'est un investissement stratégique qui renforce la confiance des citoyens, améliore l'efficacité des services et porte un message démocratique fort.

1.1. Améliorer l'expérience de TOUS vos administrés au quotidien
Des améliorations conçues pour des besoins spécifiques bénéficient en réalité à une large part de la population, démontrant que concevoir pour l'inclusion est une démarche universellement bénéfique.
Pour les personnes malvoyantes (et pas seulement) : Un critère du RGAA exige qu'une infobulle (contenu additionnel) reste visible lorsque l'utilisateur zoome et déplace sa souris dessus pour la lire. Si elle disparaît, l'information est perdue. Cette amélioration bénéficie à toute personne ayant besoin d'agrandir l'écran pour mieux voir.
Pour les seniors et les personnes avec des difficultés motrices : Agrandir les zones de clic, comme les cases à cocher, facilite grandement l'interaction. Cela permet à une personne ayant des difficultés de manipulation de sélectionner une option sans peine, mais aide également tout utilisateur sur un appareil mobile ou dans des conditions difficiles. Rappelons que le mobile est aujourd'hui plus utilisé que l'ordinateur.
Pour les usagers en situation de stress ou d'urgence : Des démarches administratives sont souvent effectuées par des personnes peu à l'aise avec le numérique et dans un contexte d'urgence. L'accessibilité impose de simplifier radicalement la présentation de l'information, ce qui aide ces usagers à ne pas se sentir dépassés et à accomplir leur démarche avec succès.
Ces exemples démontrent un principe clé : concevoir pour les plus fragiles, c'est innover pour tous. L'accessibilité n'est pas une niche, mais un puissant moteur d'amélioration de la qualité globale de vos services numériques.

1.2. Un message de démocratie et de confiance
Offrir des services numériques accessibles est un acte politique qui renforce les fondements de notre démocratie. Le site programme-candidats.gouv.fr, par exemple, a été conçu pour être accessible afin que chaque citoyen, quel que soit son handicap, puisse accéder à l'information électorale, en vertu du principe "un homme c'est une voie". Pour une entité comme service-public.fr, garantir l'accès à tous est une obligation inhérente à son nom et un droit fondamental pour les usagers.
À l'inverse, des services inaccessibles créent de la frustration et de la colère. Le constat est sans appel : d'après la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM), 82 % des Français pensent que le numérique complexifie leurs relations avec l'administration. Un service qui exclut, même involontairement, est un service qui fracture la confiance civique et alimente un sentiment d'abandon. L'inaccessibilité numérique n'est pas une simple défaillance technique, mais un échec politique qui nourrit la méfiance envers une administration perçue comme distante et déconnectée.
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2. Le RGAA, démystifié : Comprendre l'obligation en 3 points clés
Le cadre légal de l'accessibilité peut sembler complexe. Voici les trois points essentiels à retenir pour comprendre vos obligations.
Qu'est-ce que le RGAA ? Le RGAA n'est pas une norme en soi, mais une méthode de vérification de la conformité à des normes internationales (les WCAG 2.1, les règles mondiales de l'accessibilité web, au niveau d'exigence AA, le plus courant) et européenne (EN 301 549). Initialement centré sur les administrations, son champ d'application s'est étendu aux entreprises privées dépassant un certain seuil de chiffre d'affaires.
Quels sont les contenus concernés ? La loi couvre un large périmètre de services numériques. Sont concernés : les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et même le mobilier urbain connecté.
Quelles sont les 3 obligations principales ? Pour chaque service numérique concerné, la loi impose trois actions concrètes :
- Publier une déclaration d'accessibilité : Ce document officiel doit indiquer le niveau de conformité du service ("conforme", "partiellement conforme", ou "non conforme"), lister les contenus non accessibles et fournir un moyen de contact pour les usagers.
- Établir un plan d'action : Vous devez publier un schéma pluriannuel de mise en accessibilité, qui détaille votre stratégie à moyen terme, ainsi qu'un plan d'action pour l'année en cours.
- Offrir une voie de recours : Un mécanisme de contact doit permettre aux utilisateurs de signaler un problème et de demander une assistance. La déclaration doit également mentionner la possibilité de saisir le "Défenseur des droits" en cas de non-réponse.
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3. Votre feuille de route : 4 étapes pour passer de la contrainte à l'opportunité

Mettre en place une véritable stratégie d'accessibilité est plus simple qu'il n'y paraît. Voici une feuille de route pragmatique pour les décideurs.
- Étape 1 : Cartographier votre patrimoine numérique
La première étape est de réaliser un état des lieux. Beaucoup de grandes organisations ne savent même pas combien de sites ou d'applications elles gèrent. Dressez un inventaire complet de tous vos services numériques pour avoir une vision claire du périmètre à couvrir.
- Étape 2 : Lancer l'audit de conformité
Une fois l'inventaire réalisé, l'étape suivante est l'audit. La méthode RGAA ne demande pas d'auditer 100% des pages. Vous devez définir un échantillon représentatif qui inclut des pages obligatoires (accueil, contact, mentions légales) et des pages caractéristiques des contenus et fonctionnalités de votre service (par exemple, les étapes d'une démarche en ligne ou les pages les plus consultées). Le coût d'un audit de conformité est généralement compris entre 2 000 et 5 000 € HT.
- Étape 3 : Intégrer l'accessibilité dans vos processus
C'est l'étape la plus importante pour garantir un succès durable et maîtriser les coûts. La réussite à long terme ne réside pas dans des audits ponctuels, mais dans l'infusion d'une culture de l'accessibilité au cœur de vos opérations. Il s'agit d'un changement managérial et organisationnel.
Dans vos contrats : Intégrez des clauses d'accessibilité précises dans tous vos marchés publics avec des prestataires externes, ainsi que des processus de recette dédiés pour vérifier la conformité des livrables.
Dans vos recrutements : Mentionnez les compétences en accessibilité numérique dans les fiches de poste, notamment pour les profils techniques comme les développeurs.
Dès la conception : C'est un principe fondamental, car comme le soulignent les experts, "plus tôt vous intégrerez le sujet, moins il sera coûteux". Traiter l'accessibilité à la fin d'un projet revient systématiquement plus cher que de l'intégrer dès les premières maquettes.
Au quotidien : Dans une organisation fonctionnant en mode agile, assurez-vous qu'une étape de validation RGAA (par exemple, une "colonne dans le kanban") soit systématiquement appliquée à chaque nouvelle fonctionnalité avant sa mise en production.
- Étape 4 : Communiquer avec transparence
L'obligation légale de publier une déclaration d'accessibilité est une opportunité de communication. Soyez transparent sur votre niveau de conformité, même s'il est "non conforme". Présenter publiquement votre plan d'action n'est pas un aveu de faiblesse, mais la preuve d'un engagement sincère à vous améliorer. C'est un moyen efficace de construire une relation de confiance avec vos administrés.
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Conclusion : Un service public accessible est un service public plus fort
Le RGAA n'est pas qu'une contrainte technique ou un fardeau réglementaire. C'est une formidable opportunité d'améliorer la qualité de vos services numériques pour tous vos administrés, de renforcer la confiance et de porter un message d'inclusion et d'égalité. Deux voies s'offrent à vous : celle où le RGAA est traité comme une corvée bureaucratique menant à une conformité minimale et à la frustration citoyenne, ou celle où il est porté comme un projet politique qui bâtit un service public plus fort et plus juste pour l'ère numérique.